Les portes de Zanzibar
C’est vers l’âge de dix ans que l’écrivain anglais Joseph Conrad (1857-1924) pointa son doigt sur une mappemonde à l’endroit précis d’une zone blanche. Blanche parce qu’inexplorée. Cette zone portait le nom écartelé de Congo. Et l’enfant dit: « C’est là que je veux aller ! « .
C’est un peu de la même manière que pour Dominiq Fournal le nom de Zanzibar fut pêché dans le dictionnaire, comme aurait pu l’être Samarcande ou Volubilis.
Bien sûr, c’était l’Afrique…
Au début des années 1990, Dominiq Fournal retrouve l’Afrique de son enfance, et ce bouleversement (puisqu’au fond, tout regard éclairé sur l’enfance en est un) est à l’origine d’une autre série de peintures: les « Portes de Zanzibar ».
Ce titre à double sens voit l’éclosion d’un travail en spirale, comme dirait Claude Viallat, c’est à dire une véritable variation évolutive ayant pour centre, à l’instar du thème classique du rideau dans l’histoire de la peinture, l’idée d’un espace qui s’ouvre ou se ferme, qui cache ou dévoile (Vermeer, Titien, Hockney…).
Si ces tableaux (*), appelés tantôt Stone Town, tantôt Porte de Zanzibar sont effectivement les points à chaque fois uniques et spécifiques d’un parcours explorant les possibilités du thème, ils sont aussi imprégnés dans leur recherche formelle du jeu infini des styles, indiens ou arabes mêlés et sculptés tout ensemble, évoquant ainsi l’intemporel métissage de l’Océan Indien.
Les entrebâillements des portes, ponctuant le passage du soleil brûlant aux pénombres douces et familiales donnent à percevoir les palpitations invisibles, secrètes et préservées de vies à la fois proches et lointaines.
Ces peintures ne sont pas abstraites mais bien suggestives, tant elles ne gardent du sujet qu’une évocation momentanée, et comme suspendue dans le son de l’air, tout en affaire qu’elles sont de la lumière qui lèche les choses.
(*) Ainsi qu’une belle série de lithographies réalisées dans l’atelier de Georges Meurant.